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2016.04.26 | fatigue oculaire ? retiens ta langue

une autre date au hasard :
2014.03.22 | accès folie zone V2

Vu de loin, sur l’agenda, ça paraît clair et possible, vu de près tu t’aperçois qu’il va falloir à nouveau vivre dans ton sac avec 4 jours de tee-shirts et chaussettes pour le compte à rebours, qu’à cause de la sempiternelle grève SNCF tu vas devoir partir le matin et non l’aprem et donc une journée de bouffée en plus.

Donc Genève au Salon du livre demain pour intervention sur le numérique à 10h, et transit le jeudi vers Fos-sur-Mer pour présenter vendredi – enfin ! – Chant acier, le film de 38’ à partir de l’atelier d’écriture fait dans l’aciérie ArcelorMittal.

Pour la langue, ça part d’un tweet aperçu hier, quelqu’un qui se plaignait de sa fatigue oculaire. Ça se prend au sérieux. Pour lire, l’oeil balaye en continu une surface, et le mental reconstitue à mesure, 14 fois par secondes comme on le fait d’un film, l’avancée linéaire qui est le sens déchiffré. Pas un hasard si les Encyclopédistes étaient déjà entrés dans ces problématiques, affirmant qu’il fallait limiter la ligne à 70 caractères environ pour que le mental associe le linéaire à la saisie spatiale, et en avaient conçu quelques lois typographiques pour marges et mise en page. Sur simple écran (le Retina du MacBook), le mouvement oculaire est limité. Mais, même sur un seul écran, la sollicitation est radicalement autre que pour la tradition : les doigts avancent sur le clavier (je ne les « regarde » pas, mais ils restent dans le champ visuel pour maintenir leur emplacement), donc séparés du champ de l’écriture même. Mais l’écran c’est un ensemble d’autres informations dynamiques, logiciels ou fenêtres qui restent ouverts, et sollicitent l’oeil même si la concentration principale reste sur la ligne en lecture ou écriture. Plus l’infini balayage de la lecture rapide remplaçant la lenteur du journal quotidien autrefois rituellement acheté, et la traversée des sites, la tension mentale sans doute plus accaparée par la mémorisation des chemins d’accès et la synthèse à travers le fourmillement graphique, même si naturellement les sites qu’on lit le plus régulièrement sont ceux qui assument un minimum de choix et d’ergonomie graphiques.

Avec le double écran la fatigue augmente. Je m’en aperçois encore mieux quand j’alterne la position debout (ordi sur le petit pupitre), et le confort pourtant de la grande dalle pour le travail mult-fenêtres, le code et les mises en page. En fin de journée, qu’on ferme les yeux, on perçoit les muscles qui continuent leur saccade infinie sur une surface bien trop grande pour eux. Et je n’ose même pas penser à tous ceux qui, dans les bureaux, ont des écrans bien moins agréables que le mien.

Autrefois (un autrefois de mon âge), dans les cantines scolaires on nous donnait une fois par semaine de la cervelle d’agneau, les agneaux ne sont pas forcément des penseurs d’élite mais ça faisait partie du savoir admis – pour l’école c’est bon de manger de la cervelle. La langue c’est différent : une fois, au Japon, on a eu ça en dessert, petits morceaux de langue braisée. La langue est un muscle, mais l’organe symbolique de la parole : retiens ta langue, la langue lui a fourché, tourne ta langue dans ta bouche.

La pauvre langue, pourtant, elle ne parle pas toute seule, et quand on fait des exercices de voix elle est loin d’être la seule à être concernée. Elle comporte 17 muscles, c’est impressionnant.

Et moi j’ai découvert ça il y a peu : par Twitter aussi, je suppose, j’étais arrivé sur le blog d’un praticien montréalais de l’hypnose (je ne pratique pas la méditation ni l’auto-hypnose, mais chacun a des exercices qui s’en approchent). Jean-Charles Chabot présente dans ce billet son propre exercice de relaxation de la langue. La mettre au repos est moins aisé qu’on croit, mais on le maîtrise assez simplement (plus rapidement par exemple qu’éviter qu’elle remonte en bosse au fond de la bouche quand on prononce une suite de voyelles fermantes, a-è-é-i dans cet ordre : un de ces exercices de voix basiques).

Ça a été immédiat : à peine j’apprenais cette relaxation de la langue, profondément, lentement, que je le découvrais : en relâchant la langue, les mouvements oculaires réflexes issus de la fatigue d’écran étaient eux aussi comme amortis, puis cessaient.

Alors, depuis, je crois que c’est devenu plus ou moins réflexe : même en écrivant, veiller que la langue soit immobile, quelques secondes par ci par là, et ce sont les yeux qui remercient.

Là-dessus je m’en vais à Genève, avec mon sac et le bazar habituel, et le travail en retard pour le train. Images ci-dessus : Nouvelle-Écosse, mars 2009, hier j’ai payé les 7$ pour le nouveau formulaire canadien répondant à l’ESTA des US, dans pile 1 mois ce sera retrouver le confort d’Air Transat pour le colloque Montréal (après c’est bon, on pose les valises pour 4 mois).


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 26 avril 2016
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