< Tiers Livre, le journal images : 2015.08.19 | des parois floues

2015.08.19 | des parois floues

une autre date au hasard :
2013.03.31 | le si beau Berliet d’Oujda

On n’a plus de prétexte : le rythme physiologique a oublié le jetlag, mais la tête dans le sommeil n’a pas éliminé les images américaines, elles mangent encore les rêves et les placent comme des objets incongrus dans vos mains. On se rassoit à sa table, c’est favorable. Tout est à sa place – on réhabite la dalle 27’’ parce que c’est elle la véritable chambre de travail. Mais alors soi-même on est où ? On s’était promis d’éliminer, retrouver de la place. Mais les livres sont à la fois le rempart et l’enfer. Ou alors il faudrait aménager la pièce d’en bas, mais je n’y vois pas assez de ciel. Après, ce sont les heures. Il y a la traduction principale, qui avance, fragment par fragment de la grande fresque discontinue (comprendre ça pour traduire Lovecraft, et cette obligation de saturer chaque discours simple). Passé la moitié il y a quelques jours mais ça ne veut rien dire, la difficulté reste, et chaque fois il y a à revenir en amont pour tout emporter, vérifier les bassins sémantiques, les cinétiques de langue. Mais ce sont des transparences, des angles aigus où on s’y retrouve quant à ce qu’on en retire soi-même. Reste que sûr je n’arrive pas à faire autre chose. Ça a toujours été comme ça à mi-passe : la sensation qu’il vaudrait presque mieux s’y enfoncer à 18 heures jour/nuit pour aller jusqu’au bout et poser enfin ça derrière soi, puis nettoyer la table et repartir. En attendant, le reste fait des piles comme ces tas de de livres dont on ne sait pas où on pourrait les poser ailleurs. L’arrivée des dossiers du CNC, grosse session de rentrée. La sanctuarisation du temps école, même si depuis 3 semaines c’est off – gamberge sur cours et atelier, notes, armement, temps fixe sur chaise. Question des outils aussi, dans la tête. On voudrait que tout soit inclus dans la main, comme l’iPhone qu’on tient, mais l’iPhone sert surtout à lire dans la nuit, ou le journal et le web dans le train. Cet été, beaucoup travaillé avec le petit Canon G7X, il y a bien longtemps qu’un objet manufacturé, qui plus est dans les normes mondialisées du temps, ne m’avait pas provoqué ce sentiment d’appropriation lente, de goût à la matérialité même de l’objet en tant que tel, ou de potentialités disproportionnées à ce qu’on en attendait, en particulier pour la façon dont le vidéo-journal sur YouTube se découple de ces digressions écrites (protocole : ne jamais dépasser les 20’ d’écriture en 1 seul paragraphe, mais les placer au sensible). Nouvel arrivé aussi sur la table, grâce aux contributions liées à l’atelier d’écriture en ligne (merci, et au moins usage concret), d’un Zoom H4n. Si on lance en collectif un gros projet web solide on sera chacun dans sa spécialité avec des outils bien au-delà de ce que je peux en disposer, photo ou son ou logiciels et capacité tout cela à s’en servir. Mais l’apprentissage du web en tant qu’écriture plurielle suppose d’en maîtriser pour soi-même la base pratique – texte, image et son aussi bien je suppose que le code même du site et sa présentation graphique. Donc envie de revenir sérieusement à l’audio aussi, sous forme d’audio-books, en commençant probablement par les Lovecraft. Et finalement ne jamais faire ça autrement que par sa propre curiosité de l’objet lui-même, s’il est neuf : ce que la fabrique nous enseigne concrètement d’autres modes de récit, et donc postérieurement d’un déplacement potentiel de l’imagination anticipatrice, même si toujours même saut dans le noir. De certitudes pas, sinon que c’est là, dans et par le site, que tout se joue et que c’est ça qu’on a à mener de front, l’après-midi descendre dans la pièce au sous-sol avec les outils d’enregistrements son, la nuit être là devant la dalle 27’’ avec les images et le reste du temps, on verra bien, une fois qu’on en sera sorti, de la traduction en cours, ligne à ligne, phrase à phrase. Il y a juste finalement une question : la frontière qu’on met entre tout ça et le réel. La question du dentiste et de la banque en somme. Sa tête à soi, photo ci-dessus, encore dans les reflets de rue, là-haut, à Providence la morte.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 19 août 2015
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