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journal | de la traduction comme moto-cross

À l’endroit où on passait la rivière à gué pour rejoindre la montagne, derrière l’église romane, on a trouvé ça cette année. Et une sono encore plus forte pour saluer les prouesses des motos. Dans le village à côté, en amont dans la vallée, l’an passé dans la chapelle parente de celle-ci une prof du conservatoire de Lyon avait donné une soirée de viole de gambe, c’était magnifique (et on y sera dès demain soir, au festival de Clumanc vallée de l’Asse. Ce n’est pas qu’on juge, juste qu’on s’interroge. À traduire The shadow out of time (trois semaines que commencé, passé la page 100, le fichier en fait 137, après ce sera deuxième étape – mais c’est la première fois que, dans un Lovecraft, vers la fin du premier tiers je me suis dit que je n’y arriverais pas, que je devais renoncer), la métaphore de la moto qui s’envole sur les chemins m’est bien utile, et je fais ronfler mes logiciels pareils, j’en sors crevé pareil. Je ne dis rien contre les motos, j’ai un neveu qui fait pareil powaa, mais j’aimais mieux le petit chemin qui passait à gué la rivière, quand on allait bouquiner, que le tout nouveau circuit de motocross, 9 kilomètres d’arasement lunaire, un trou dans la terre. Je ne sais pas qui a réglé les factures de pelleteuse et bulldozer pour l’aménagement, ça à la limite c’est un boulot que j’aurais bien voulu faire : d’ailleurs, tout gosse, on le faisait dans le sable, après on mettait nos petits cyclistes jaunes ou rouges de plastique dessus, et la marée au final nettoyait tout. Il y avait pas mal de monde à regarder le moto-cross, avec la sono qui s’entendait à 2 kilomètres, la buvette et les camions avec les Quads tout neufs pour affronter à quatre roues les chemins de randonnée. Ce qu’ils font ne me concerne pas, et ce soir le silence est revenu. On gaspille du pétrole pour bien d’autres choses, on devrait d’abord priver de pétrole trois jours ceux qui font la guerre. Ce qui me tracassait, c’est juste ça : est-ce qu’on ferait tout ça encore pour la littérature ? Et quand je suis à affronter mon The shadow out of time, pour que ce soit souple, nerveux, abstrait, avec des gouffres dessous, des lumières ailleurs, sans compter qu’on est tout seul aussi à tenir ce fichu guidon qui secoue dans tous les sens, est-ce que c’est vraiment le même sport ?


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 4 août 2014
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