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journal | du problème des photographies vues en rêve

Pourquoi on ne verrait pas très précisément en rêve non des images du réel, mais des photographies ? Il y a longtemps que j’y entends des musiques (parfois les jouant moi-même) et c’est une dimension importante de mes pratiques de rêve, bien sûr dès lors qu’on est en écriture il y a tout ce qu’on écrit ou lit en rêve, et ce moment très bizarre du petit matin où on se décide à s’extraire pour aller écrire c’est souvent encore partie du rêve – mais ma relation au visuel fait que c’est très nouveau pour moi de rêver de photographies. Suis sûr qu’il y a des billets là-dessus chez Phil De Jonckheere mais j’attendrai qu’il m’envoie le lien. De quoi rêvent-ils les photographes ? Vais m’en enquérir – on devrait les obliger à nous les montrer différemment des autres, en tout cas n’hésitez pas à raconter ça ci-dessous ’et voir aussi cette histoire de baisers chez Liminaire). Donc l’autre nuit je voyais et développais sur mon Lightroom une photographie très précise, rigoureuse, énigmatique et belle. Ce que je sais reconnaître chez les autres, mais ne sais pas encore vraiment produire pour moi, sinon cueillir ce que le réel de lui-même présente tel. Ainsi, pourquoi avoir photographié ces affiches grattées avec DESPERATES MAMIES devant l’ancienne gare de Villefranche-sur-Cher, en attendant le bus pour Romorantin, ce dernier vendredi, sinon parce que les zones transparentes mais opaques correspondent à peu près à ma vision réelle en général ? Ces temps-ci, j’ai vraiment un usage bizarre de mon Canon et son Sigma 18-35 : photographier le monde devant moi pour essayer de savoir rétrospectivement la différence entre le visible en général, et ce que je vois moi. Et quand je les bosse à l’ordi probablement aussi pour ça que ce n’est pas facile : vers quoi amener la photographie, si je ne sais pas où est le visible qui en est l’expérience partagée ? J’y pense parfois, quand je vois bosser les as du Lightroom dans le Cergyland. Donc prendre acte qu’à force d’heures dans Lightroom parfois plus que celles dans le texte (hors traduction, parce que Lovecraft en ce moment c’est plutôt un genre de maison, et aussi parce que n’ayant plus de traitement de texte – tous trop décevants – je ne sais plus bien où est le temps et l’espace de l’écriture, sinon que lorsqu’elle dépose ou catalyse elle se moque bien de sur quel écran ou barre d’outil), il est logique au rêve de te placer dans la posture de développer une image, avec cette maladresse tienne, si proche de celle de la musique ou de l’écriture, pour régler les curseurs et les filtres. Il y avait donc cette image, rigoureuse, précise, belle autant que les photographies que tu aimes belles. Alors quoi : les décrire comme on doit, pour en faire un livre ? Et quand même, nouveau pour moi que ça puisse se révéler aussi obsessif, trois jours durant, que ces fichues musiques qu’au moins j’avais appris à connaître.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 26 mai 2014
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