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journal | de l’art d’écrire papier

J’ai cru que c’était une plaisanterie, au moment de lire les textes de notre séance à partir de Kafka, quand cette élève a sorti ce lambeau gris, et puis a calé elle-même, n’arrivant pas à se relire. Du coup, plus tard, j’ai oublié de lui parler de cette tradition juive des Bibles écrites sur le plus petit support possible, Walter Benjamin s’émerveille d’une qui est grosse comme un morceau de sucre. Donc je l’ai mal pris, j’ai pas forcément des réflexes très ouverts dans la pression du boulot, et elle a rétorqué en montrant une autre élève, dans la diagonale de l’amphi, laquelle nous avait servi un très fort texte depuis son cahier grand format. Marine, donc, récupère les sachets à thé après usage, les sèche et les tend, et offre à ses amies, dont Julie, ces feuillets grands comme la paume, très souples et presque indestructibles. Et c’est avec une machine à écrire mécanique (qu’elle promène avec elle), qu’elle a tapé son texte sur ce nouveau parchemin – elle est donc la troisième, dans le groupe de 26, à disposer d’une machine à écrire comme celles que j’ai abandonnées en 1980 (passant à la Smith-Corona électrique), c’est ça la jeunesse dans ce que nous nommons le Cergyland. Je me suis donc excusé, logique du support et de l’outil d’écriture prises en compte dans le geste d’écrire lui-même, plus des corrections à l’encre bleue sur sa dactylographie initiale. Reste que 10 minutes et deux lectures plus tard, je m’aperçois qu’à force de rouler le papier dans ses doigts il s’était moitié effacé, j’ai fait la photo pour récupérer ce qu’on pouvait, là elle n’aurait pas dû. C’est pas toujours facile, nos boulots de faire écrire.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 5 décembre 2013
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