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New York 7/13 | lire numérique c’est fichument tendance mais ils s’en foutent ils lisent

En fait j’avoue : ce séjour à New York ce n’est pas pour le stage creative writing à la NYU (mais si reconnaissant à Emmanuelle Ertel de l’accueil, plus le logement juste au-dessus de Washington Square), c’est pour thérapie individuelle. Besoin forcené de thérapie. Quand en France vous recevez des mails hésitants de tel copain : ah j’achèterais bien une liseuse d’occase, comme si le monde allait basculer sur ses bases (de données) et que l’information méritait de m’être transmise. Enfin bon, le passage du moulin à café à manivelle au moulin à café électrique (eh oui, faut une prise, on est dépendant) ça fait quand même un petit moment. New York ça me regonflait, toutes ces années, parce qu’au moins les gens lisaient numérique, alors qu’en France on s’use à pleines nuits sur nos textes, et les téléchargements quand tu ouvres le matin l’interface Immatériel c’est toujours le monde à l’envers : après tout ce boulot sur Meydan, après le boulot fou de De Friberg sur les John Barnett, avec un tel catalogue, vous recevez des courriers d’étudiants de master (c’est la saison, 2 courriers par jour) avec de grosses questions sur le décollage du marché ou les prix trop chers que moi je prends chaque fois comme une insulte parce que ça veut dire qu’ils n’ont même pas regardé ce qu’on fait. Alors ouf, ouf de voir une ville qui lit. On voit tout ça évoluer. L’iPad a contaminé toutes les utilisations professionnelles, boutiques, taxis. Dans les cafés, on voit tous les étudiants enfoncés dans leurs MacBook et MacAir. Et dans le métro, il y a un an ou deux on commençait à voir timidement sortir les iPad, maintenant c’est 2/3 tablettes 1/3 liseuses, mais jamais on n’est dans le métro, dans les ferry, ou là où on se pose un moment pour prendre un café, sans en voir un ou une, immergé ou plongée dans sa lecture. Tablettes : écrasante domination de l’iPad Mini (mais quiconque l’a touchée sait pourquoi), et aux coups d’oeil sur épaule c’est plus souvent via l’app Kindle que l’app iBooks. Pas mal de tablettes Nook (elle est fine et agréable à la main). Jamais vu de Kindle Fire, ce qui me surprend plus : bête rustique, je suppose qu’on l’apprivoise plus à la maison. Et dans les liseuses, toutes les générations de Kindle mêlées (moi ici c’est chaque soir une petite heure de mon PaperWhite), mais on voit encore des kilos de Kindle Touch, et même plein de vieux Kindle à boutons : veut dire que tu gardes le Kindle neuf ou le K-Fire chez toi, et tu prends le vieux pour lire dans le métro ? Avec la liseuse ou la tablette, pas besoin de s’asseoir pour lire. Ils lisent en marchant, ou debout sur le quai. Quelques lecteurs téléphone aussi (je ne parle pas de ceux qui jouent ou qui messagent, je parle de ceux qui lisent). La tablette non plus objet de luxe, mais de commodité. La tablette, en passant au format 7’’ on la trimballe avec soi dans le fond du sac, on la sort dans le métro ou n’importe où qu’on pause. Idem le téléphone : Google Maps ad lib, les QR code par curiosité, l’app Translate 20 fois par jour, et le reste c’est le Safari embarqué pour partir à la recherche d’un architecte, d’une histoire Wikipédia, d’un titre de bouquin etc. Ma thérapie, à New York, par rapport à ces incessants tirs de barrage de la méfiance française, c’est de savoir que ce qu’on fait, 1 c’est noble, 2 si c’est pas maintenant qu’on l’apprend, c’est râpé pour toute la suite.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 16 mai 2013
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