< Tiers Livre, le journal images : 2013.04.15 | du numérique comme inquiétude

2013.04.15 | du numérique comme inquiétude

Le titre du débat c’était lire sans papier, on sait ce que ça veut dire sans papier en France, ça vous mettait déjà le numérique en camp de rétention mais pourquoi pas, surtout si c’était avec Pierre Haski pour renvoyer les balles. Reste que sur des questions aussi décisives, même depuis l’intérieur de l’ancien monde du livre, il y a un minimum professionnel requis – on évite de s’exclamer ah c’est ça l’iPad. Débat qui s’arrêtait où commençaient les blogs (jamais évoquée, l’activité littéraire sur web [1] ), où changeait le rôle de la lecture publique et des bibliothèques (puisque ça ne fait pas partie du périmètre initial, sauf que justement le numérique le déplace, ce territoire).Par contre, il nous faut avaler à foison le mot inquiétude répété 50 fois sans jamais préciser, ni d’ailleurs ce qui en revient à l’ancien monde lui-même, surproduction, normalisation de l’offre, recherche des coups, et autres variations sémantiques, obligé, ou oblige à. Cette antienne du il ne faut pas aller vite comme si c’est eux qui en décidaient et comme si les assassins couteau dans les dents c’était nous, malaise. Alors c’était toujours revenir à ces oppositions binomiales lassantes parce qu’il y a longtemps qu’elles sont déjà réglées chez les libraires qui se bougent sur le web (belles interventions de Julie Even, de La Cour des Grands), ou des éditeurs même ceux qui sont assis sur un gros portefeuille, et ça mène à des approximations qu’on aurait cru surgir de 3 ou 4 ans en arrière, la préhistoire au niveau Internet : le livre ça coupe du monde, quand on discute de comment recréer dans Internet la densité et la singularité de lecture, qu’elle soit dans l’information, la réflexion ou l’imaginaire -– passionnant en ce que ça déplace les vieilles catégories, voir le concept d’édition ouverte du CLEO, il n’aurait pas fallu parler de ça. Non, jamais connu de livre qui ne soit pas un chemin ou une ouverture sur le monde, où le monde intérieur et le monde extérieur se révèlent l’un par l’autre – ce n’est pas une découverte ni une nouveauté et le support (ou la discipline, peinture, film ou musique) y est très secondaire, j’ai impoliment lancé ce n’est pas le livre, c’est le foot qui coupe du monde. Un monsieur italien très respectable convoqué à la tribune a dit avec profondeur qu’il n’écrivait pas à l’ordinateur, parce que l’ordinateur pensait plus vite que lui, et a déclaré aussi, d’ailleurs on devrait barricader les librairies et demander les cartes d’identité à l’entrée : le risque quand on ouvre la porte, c’est que tout le monde entre, je dis exactement. Et pensé à Montaigne dans les massacres de la guerre dite de religion, qui avait précisément fait ce choix, de laisser sa porte ouverte, et qui devait probablement à cela même sa survie. De la salle quelqu’un a lancé : Et les imprimeurs, ils deviennent quoi..., comme si là aussi il n’y avait pas des continents neufs, que fabriquer un epub ce n’était pas de l’impression numérique, que le POD n’était pas juste en train d’éclore – et repensé à cette petite boutique vue le matin dans le vieux Metz. Ruminé longtemps tout ça au retour.


[1Voir dès hier cette réflexion d’AnaNB : ça parle d’inquiétude ça parle de relations humaines ça parle d’argent ça parle de pourcentage - on aimerait bien que ça parle de l’ailleurs du livre.

François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 15 avril 2013
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