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bois des livres, et Opalka

Appris hier la mort de Roman Opalka. Effacement qui s’inscrivait déjà dans le travail. Ce matin je cherche vainement, dans les accumulations de livres, les Onze romans d’oeil ou Bernard Noël écrivait depuis l’atelier d’Opalka. Je retrouve plein de livres de Bernard, mais pas celui-là. Le racheter ? Cette pièce, comme les autres, est encombrée de livres. Ils peuvent attendre des années qu’on les rouvre. Ils sont des signes géographiques de mémoire. Quand Opalka meurt, il désigne un seul livre. Je recherchais, un peu plus tôt, la Description de la ville de Québec écrite par H.P. Lovecraft en 1930 : le numérique nous donne accès en permanence à tous ses contenus, avec les algorithmes et outils qui permettent de les produire au jour (je n’ai pas dit que je n’avais plus les Onze romans d’oeil, seulement que je n’avais pas su les retrouver. Alors je recherche aussi mes dernières rencontres avec Opalka. Ce qu’il en reste de trace dans les images prises à la sauvette dans les musées. Il y a moins de trois ans, avoir encore été mis face à cet éblouissement du blanc devenu presque total – c’était où ? Envie brutale, par Opalka, d’émettre un geste déraisonnable : se forcer à vivre sans plus aucun livres de papier, réaménager cette pièce en blanc nu, ne plus avoir devant soi que l’ordinateur infini, ou bien la contemplation intérieure. Et puis on rajoute quand même les quelques auteurs qu’il nous faudrait bien garder, sur une seule étagère – tiens, ne serait-ce que Borges, Michaux, Ponge... Finalement on continue. On garde tous les livres. Pour le cas où un autre mort, demain, les désignerait.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 7 août 2011
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