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je suis en vacances en Martinique

C’est assez pénible, cet enfermement gris de jours froids et humides, sans horizon. Et la ville aujourd’hui comme morte. Dans les livres, on trouve soudain au détour d’une ligne l’évocation d’un ciel ou juste d’un sentiment du temps (Un rêve de Pierre Loti, dans Le livre de la pitié et de la mort), on voudrait être loin, avoir du bleu. À cette époque, je n’avais pas d’appareil photo numérique. Pourtant, lors de mon 2ème stage à l’IUFM de Martinique, j’avais un MacBook coquillage bleu, et une sorte de webcam USB – j’avais fait un certain nombre d’images, pas grand-chose, juste cette chambre où je logeais, ce que j’en voyais par les fenêtres. Ce sont 2 voyages qui ont compté, même si à part le stage je n’ai pas vu grand-chose. C’est un autre rendez-vous mis comme ça en attente. En cherchant dans mon disque, même plus moyen de retrouver l’année ni la date. Possible de retrouver la date du 2ème, à cause d’un souvenir précis : dans Libération, à la gare Montparnasse, l’annonce du décès de Robert Kramer – choc en première page, et encore la voix et ses grands bras expliquer ces projets qu’on ne ferait pas –, et ça c’était le 10 novembre 1999. En tout 18 images, minuscules. Est-ce que je me souviens différemment, moins ou mieux ? De l’ensemble des 18 images, c’est la toile cirée qui m’aiderait le mieux, recouverte d’une sorte plastique transparent, et le souvenir tactile de cet ordinateur. Je me souviens parfaitement, d’ailleurs, des textes travaillés dans ces heures libres, quand, à cause de ce sentiment d’enfance qui revenait rien qu’au bruissement de l’air et au goût de mer qu’on y palpait, je préférais rester là qu’aller dans la ville (de toute façon, c’est un des paradoxes des ateliers d’écriture : les textes vous en disent tellement plus que la réalité, qu’elle vous paraît durcie, fausse, masquée, étrangère). Pour l’avantage ou pas des photographies (depuis le retour du Québec, d’ailleurs, ça s’est considérablement éloigné de moi), je n’ai pas de réponse. Probablement, c’est ce manque – dans le lien du texte de Loti à mes souvenirs de cette petite chambre en zone péri-urbaine de Fort-de-France, la joie paradoxale que j’avais à n’en même pas bouger – c’est ce manque qui appelle, qui induit.


François Bon © Tiers Livre Éditeur, mentions légales
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1ère mise en ligne et dernière modification le 1er janvier 2011
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