bleu fané jaune sale bleu blanc rouge par avion noire comme l’encre de ses lettres TRACES des chiffres sur des enveloppes quelques mots au dos d’une photo noir et blanc un visage inconnu TRACES toutes ces images de convois d’hommes le pont d’un bateau un horizon de sable et d’eau j’ai dit la Méditerranée « Sur le Ville d’Oran le 20 mars 47 » et puis d’eaux mortes comme le temps « Hanoï le 21 juillet 1952 » TRACES amas de poussière brûlante qui écorche les yeux bleus sans repère sans mémoire TRACES que la parole des autres les mots les silences à décrypter les évidences fausses TRACES murmures en grappes insaisissables quand le ravin vomit des peurs TRACES ciel blanc caniculaire de l’enfance suspendue cherche ailleurs à chaque faux pas la confrontation TRACES désillusion ruines que la mémoire des autres ou bien l’oubli volontaire TRACES et cette odeur de passé humide encore reprendre du début recommencer à partir de TRACES les visages les sourires sur les images dentelées comme des balises encore TRACES l’âme des objets retrouvés à caresser des yeux des doigts à respirer et peu importe les murs toujours les mêmes l’absence de sens TRACES recommence recolle écoute revois invente TRACES vers un autre horizon de sable dans les mots fuir le huis clos des pensées suivre les TRACES et courir loin de l’enfermement du carcan imposé fuir en mouvements désordonnés et peu importe inconscience folie passion dérèglements hors norme loin des moules et des cases AILLEURS où les souvenirs emportent AILLEURS mais n’est-ce pas vers les mêmes murs la même morale AILLEURS un leurre ce qui colle à la peau vous rattrape AILLEURS nulle part où aller pour changer la donne AILLEURS ce serait en soi au-delà de soi en deçà du monde des hommes là-bas AILLEURS mais pas au bout du monde AILLEURS en soi relégué au dedans de soi introuvable AILLEURS ou peut-être devant sans y prendre garde loin de ses habitudes AILLEURS pour s’apercevoir qu’on a toujours été côte à côte quand tout était sens dessus dessous AILLEURS et qu’il fallait traverser le pire jeter un œil alentour pour tenter de raccommoder les TRACES AILLEURS
Des TRACES qui me rattrapent, un AILLEURS qui m’appelle…
Je dois poursuivre, je n’ai pas tiré tous les fils ! merci Françoise !
« raccommoder les TRACES AILLEURS », ça se rejoint (gestuelle des deux mains)
oui, ça se rejoint, mais je n’ai pas su en l’écrivant où cela se rejoignait… je cherche encore !
ce glissement de traces vers ailleurs, moi je le vois comme une grande clarté de la source à l’horizon et même si ça passe par le chaos et je ressens ce glissement comme très porteur, cela constitue une belle voûte , bien des fils à tirer en effet et cela m’émerveille
Votre commentaire m’éclaire, Catherine !🙂
Rétroliens : proposition #02 | un parpaing de phrase – Tiers Livre, les ateliers en ligne
ah oui, deux parpaings et qui se rejoignent, diable, étrange comme les majuscules cumulées des deux mots semblent arrêter un texte qui veut continuer… avancer
Tu as raison, Claude ! C’est un MUR ces deux mots en majuscules… Arrghh !
Oui la conclusion, comme pour terminer là, dans l’instant, avec les deux mots
dans votre texte ce qui se passe pour moi c’est le contraste entre l’un et l’autre de ces passages, on a l’impression d’un changement d’instrument de musique, l’un sombre et doux, un peu lourd, sorte de saxophone alto et l’autre léger et modulant, flûte ou clarinette, on a envie de les entendre jouer ensemble en effet ! belle suite à vous donc,
Ah ! j’espère que ce ne sera qu’une conclusion passagère… merci pour la comparaison instrumentale, elle ouvre d’autres portes !
J’ai beaucoup aimé lire ce texte subtil entre traces et ailleurs , les traces seraient d’ici , palpables et l’ailleurs plus incertain, reconfigurable ….
Les traces du passé (d’un autre) m’emmènent ailleurs…, vers mon errance, et je me demande si celle-ci n’est pas tributaire (en quelque sorte) de la première…
ce glissement de traces vers ailleurs, moi je le vois comme une grande clarté de la source à l’horizon et même si ça passe par le chaos et je ressens ce glissement comme très porteur, cela constitue une belle voûte , bien des fils à tirer en effet et cela m’émerveille
Un texte qui me touche. On est toujours en train de se raccommoder peut-être…
Oui Solange, on essaie en tout cas !
J’apprécie, entre autre, le rythme, l’écriture qui semble s’emballer, échapper au contrôle mais qui, en définitive, donne une impression de vitesse inouïe, due, je crois, à la consigne du parpaing, ce mots, ces mots qui scandent des intervalles réguliers, alternances, tempo. La musique n’est pas loin, dans les TRACES comme dans l’AILLEURS. J’adore !
Du coup, je me suis relue… oui, la vitesse ! merci Rose-Marie pour ta lecture !
Je suis tout à fait d’accord. Texte qui va vite et est très musical. Beaucoup aimé. Merci
Quelle éblouissante fugue ! en quête me semble-t-il d’un ailleurs qui consiste comme tel et que vous faites surgir. Merci !
Je remarque que l’AILLEURS vient (littéralement) très vite dans votre (vos?) TRACE (s?) : « TRACES ciel blanc caniculaire de l’enfance suspendue cherche AILLEURS à chaque faux pas la confrontation TRACES »
Oui, merci Bénédicte pour votre lecture, j’avais remarqué aussi à la énième relecture, que l’ailleurs était déjà là !