Lors, repasse, reflue, continue, défile LORS à la lettre une première journée de maçon LORS la pile de planches de quatre mètres sur le portant de la benne LORS la manière de les décharger horizontale puis la bascule en appui en équilibre vertical sur l’épaule LORS qu’il devrait y avoir des gants, LORS qu’il n’y en n’a pas LORS la morsure piqûre blessure des échardes LORS comment ranger les très longues planches au sol prêtes pour tout à l’heure LORS le déchargement, une par une, des lourdes structures en H de fer rouillé creux LORS le déchargement, deux par deux, des garde-corps en ferraille pleine LORS l’entassement hors de la benne et près des structures des attaches avec goupilles et boulons qui vont servir à sertir l’ensemble LORS le nombre de courts étais qui seront utiles à l’arrimage de l’échafaudage au vieux mur de l’usine à réparer, menaçant ruine LORS l’ensemble varié des cales en tronçons de bastaing, madrier, bout de planche de maçonnerie usagée, coins et plateaux qui donneront la stabilité horizontale LORS que la benne est déchargée LORS que tout ce matos a été descendu de la benne jusqu’au sol en passant par des mains LORS le pied du mur, seul ; et les maçons, trois, à son pied LORS un sourire goguenard du plus jeune des trois LORS que des outils sont déjà là : marteaux, serre-joints, encore des cales, des chevillettes, des ciseaux à brique, des massettes, un pied de biche, des pointerolles, une baladeuse, etc., des outils à main LORS le bruit sourd et immense de l’usine inlassable et strié de cris et du chuintement incessant du Fenwick qui transbahute les balles de tissus compressés (celles qui finissent par faire fléchir les murs, et qu’il faut ainsi réparer l’un après l’autre) LORS son conducteur gitan ferrailleur romano chiff’tir, qui dit les trois mots de bonjour ça va LORS le « … bon ! on n’est pas là pour amuser le terrain… ni pour acheter le fonds ! » LORS tout le montage de l’échafaudage LORS le coup de gueule à répétition qui précède puis poursuit un autre braillement LORS « passe-moi le niveau » LORS ensuite les cordages limousins pour hisser les structures en H et les garde-corps LORS le seau de goupilles et de clamps LORS l’arrimage de l’échafaudage (avec les étais) à quatre-vingts centimètres du et au vieux mur à doubler LORS que ce mur est immense, construit en parpaings de vingt, et fait environ douze mètres de hauteur sur vingt mètres de largeur LORS qu’on bosse depuis sept heures du mat LORS que l’échafaudage est terminé de monter à midi et demie LORS « bon, allez ! à la soupe ! » LORS le coup d’œil hostile et goguenard et méprisant du maçon le plus jeune, LORS le rade de routiers en face, où on va prendre l’apéro abondamment et manger de même LORS l’état incroyable des mains du chiff’tir conducteur du Fenwick LORS qu’il est obligé de coincer le sucre du café contre sa gueule pour pouvoir enlever le papier avec ses dents LORS le moment, après le calva, où il faut y retourner, la maïs sans filtre au bec LORS l’échelle trois plis en bois, massive et qui pèse un âne mort LORS la manière de la déplier LORS l’ascension de ladite échelle LORS la massette prise de la main droite LORS « faut faire des trous dans chaque parpaing du vieux mur pour qu’on puisse, plus tard, quand on aura monté un parement de parpaings de dix, couler du béton et que ça accroche… pigé ? » LORS que chaque parpaing de vingt a trois alvéoles LORS que le geste du percement est montré LORS que, goguenard : « t’as vu, c’est facile ! » LORS le premier trou dans la première alvéole du premier parpaing en haut à gauche LORS, ainsi, comme une écriture de sept mille signes environ, tous différant, éclatés à la force de la main droite, puis, quand la souffrance est trop insupportable, à la force de la main gauche, puis, quand plus rien d’autre n’est possible sans renoncer, avec la force des deux mains réunies sur le manche de la massette.
J’ai lu et j’ai beaucoup aimé.
DEFILE l’atelier d’écriture DEFILE les textes DEFILE la poursuite DEFILE les voitures sur l’autoroute… c’est presque un jeu ! Merci
Merci Aurélien, notre bien aimé concierge !
(Excusez-moi, je n’avais pas vu votre super commentaire…)
Je file voir votre page…
bon sang, super bon, Fil ! ce défilé d’actions, de connaissances, de notations hyper concrètes, de rapports humains entre humains, de rapports humains à la matière = WAW ! du tout grand Fil, moi je dis ! et je te dis merci, amigo ! voilà voilou !
Merci, Vincent !
Je suis content que tu me dises toutes ces belles choses !
Elles me confortent, venant de toi !
Superbe construction ! Vous nous faites partager, dans tous les sens du terme, votre mise en chantier. Merci !
Merci beaucoup, Déneb !
Je vais de ce pas vers votre page…
Suite du projet – (re) lecture à la lumière des sources.
Descente de la rivière sans titre seconde. J’y lis davantage de corps qu’à ma première lecture chevillée au concret des outils et de la construction. Est-ce un effet de l’apport des sources … je l’ignore. Dès lors : du corps, des grandes gueules, du sang … de l’or 😉
Je suis content que vous y trouviez plus de corps, car pour mon corps c’est un jour inoubliable. Il est probable que la source y soit pour quelque chose, en effet.